Appel à candidatures, Colloque / Séminaire | Sciences humaines et sociales

L’autorité en éducation : figures, variations, recomposition

Du 27 juin 2019 au 28 juin 2019

Organisé par le laboratoire « Éducation, Cultures, Politiques » (EA 4571), Axe 2. « Politique de la diversité, Monde commun »

Appel à communication

La réflexion sur l’autorité dans l’éducation a des lettres de noblesse ancienne, depuis Rousseau jusqu’à H. Arendt (1961) en passant par Émile Durkheim (1902). Pourtant, il y a peu de temps encore, l’autorité n’avait pas bonne presse dans la réflexion éducative. Mai 68 sans doute, était passé par là : on ne voyait pas bien quel usage théorique était possible pour un concept qui semblait inéluctablement marqué du sceau de la tradition, autrement dit d’un type d’éducation daté historiquement sinon condamné par l’histoire. Cette situation a changé depuis les derrières années du vingtième siècle et encore plus depuis le début du siècle actuel. Pour des raisons diverses que le colloque pourra étudier, l’autorité a fait un retour en tant que thème de réflexion dans l’éducation. Nombre de livres, de dossiers de revues, d’articles et de recherches universitaires traitent aujourd’hui de l’autorité. Le colloque « L’autorité en éducation : figures, variations, recomposition » s’inscrit dans ce renouvellement et dans le prolongement de cette activité scientifique : il veut contribuer à une réflexion scientifique et collective, réflexion située à un niveau international, mais aussi national et local, sur une question dont on a redécouvert le caractère « sensible » - parfois « très sensible » - dans les milieux de l’éducation en général et dans celui de l’enseignement en particulier. Précisons que les contributions proposées ne sont pas limitées à un seul secteur éducatif. Elles peuvent naturellement concerner l’école qui est aujourd’hui un lieu sensible pour l’exercice de l’autorité mais elles n’ont pas de raison de s’y limiter : la pratique de l’autorité peut aussi être étudiée dans le milieu familial, le secteur associatif et l’éducation populaire ou encore des milieux plus spécialisés comme par exemple ceux de la prise en charge éducative de la jeune enfance (crèche, halte-garderie...). Cette diversité des milieux éducatifs doit être considérée comme une richesse. Elle permettra en particulier de documenter la question de savoir si l’autorité est – ou non - une pratique plurielle ?
  • Quatre axes de travail sont proposés :

(1) Fondement et reconnaissance de l’autorité

Un premier axe de travail concerne la question du fondement de l’autorité éducative : Sur quoi repose- t-elle ? D’où vient l’autorité que l’éducateur a – ou n’a pas - ? Ce questionnement invite à divers types de contributions : D’un côté, il est possible et utile de s’interroger d’un point de vue philosophique et/ou politique sur la justification de l’autorité : qu’est-ce qui rend l’autorité légitime ? Qu’est-ce qui fait que l’on peut contester certaines pratiques et certaines formes d’autorité (quelle légitimité permet cette contestation ?) Cette légitimité varie-t-elle selon l’époque ? Selon les lieux ? Selon l’âge ? Selon la nature des actes éducatifs, etc. ? Plusieurs auteurs ont souligné après H.Arendt (1961), la difficulté de la question de l’autorité dans l’éducation (Ricoeur, 1995, Blais, Gauchet & Ottavi, 2002 et 2008). Cette difficulté est particulièrement sensible dans ce premier axe de travail. Il y a une dimension « problématique » de l’autorité, en général et dans l’éducation, difficulté qui tient à la proximité entre l’autorité et ce qui n’est pas elle, le pouvoir, la domination, etc. Qui tient aussi au fait que la relation d’autorité est débordée en quelque sorte de deux côtés : par un élément « plus haut » qu’elle et sans laquelle elle n’est pas autorisée et par une reconnaissance qui lui vient de celles et de ceux à qui elle s‘applique et qui en fait la fragilité. Cette dimension problématique ne devrait pas être gommée. D’un autre côté, ce premier axe pourra accueillir des communications sur le fonctionnement de l’autorité : qu’est-ce qui fait que l’on a de l’autorité, ou pas ? Comment se construit concrètement la relation d’autorité ? Seront appréciées les contributions dont le but est de se rapprocher au plus près de ce fonctionnement, en supposant que l’autorité ne se réduit pas à être une qualité personnelle des éducateurs qui s’imposerait comme par miracle aux enfants, mais qu’elle dépend d’un ensemble de conditions qui peut-être, font système et que l’on peut chercher à décrire. Ce second aspect concerne en particulier les liens entre l’autorité et la « reconnaissance » qui est inhérente à toute forme d’autorité. Au sein de ce premier axe de travail, deux points supplémentaires mériteraient d’être traités : la réflexion sur fondement et légitimité peut être reformulée en termes de tiers. Comme l’ont noté E. Prairat (2010) et M.Gauchet (Blais M-C, Gauchet M. & Ottavi D. 2008), la relation d’autorité n’existe pas sans un « tiers » qui la médiatise. Quand ce tiers est absent, la relation risque de dégénérer en face à face et en en rapport de force. Le tiers qui médiatise la relation d’autorité est le fondement de l’autorité. En quoi consiste-t-il ? La question de la loi mérite aussi d’être explorée ; un travail sur l’autorité éducative dans le contexte d’une société démocratique peut difficilement faire l’économie d’un détour par une réflexion sur la loi : la loi est en un sens une autre désignation du fondement et du mode de fonctionnement de l’autorité. Mais d’une part, il n’est pas sûr que le terme de loi soit immédiatement plus clair que celui d’autorité. Il est, en tout cas, polysémique et cette polysémie mérite d’être interrogée : le concept de loi ne saurait être tenu pour un concept explicatif ; il est au contraire un concept à expliquer. D’autre part, une question est de savoir si en contexte éducatif, l’autorité de la loi peut être suffisante. Cette question oriente la recherche du côté d’une réflexion sur le rapport entre l’autorité légale et l’autorité personnelle.

(2) L’autorité en contexte démocratique : Asymétrie éducative et égalité démocratique

Resituée dans le contexte des sociétés démocratiques, l’autorité apparaît d’abord comme un problème. Ce problème est lié à la tension entre le caractère inégalitaire de toute relation d’autorité et la tendance à l’égalité qui travaille en profondeur la logique de fonctionnement des sociétés démocratiques (Renaut, 2004) et qui suggère l’existence d’une « crise » de l’autorité. Cet axe de travail invite donc à réfléchir sur la cohabitation et la tension entre deux logiques éducatives : une logique tendant à l’égalisation des relations adultes/enfants et une logique reposant sur l’asymétrie éducative : la crise de l’autorité signifie-t-elle « déclin, érosion ou métamorphose » de l’autorité (Prairat, 2010) ? S’il est vrai cependant que l’égalité démocratique pose problème aux relations d’autorité, sans cependant les faire disparaître, ce deuxième axe de travail privilégiera les contributions qui se proposent d’analyser le fonctionnement de l’autorité dans un contexte d’égalisation croissante des relations entre les personnes et plus précisément d’identifier les différentes façons dont l’asymétrie éducative se transforme tout en se maintenant.

(3) La question des limites

Dans les discours contemporains sur l’autorité, qu’il s’agisse des discours ordinaires, mais aussi de ceux relevant d’une certaine vulgarisation scientifique (Halmos 2008, Naouri, 2008), on ne peut qu’être frappé par l’omniprésence d’un vocabulaire qui pense l’autorité éducative en termes de limites, de cadres, de repères ainsi que d’interdits. Cette omniprésence ne devrait pas être prise pour argent comptant, mais au contraire être interrogée d’un point de vue scientifique ; que nous dit-elle des approches et de la compréhension contemporaine que nous avons du phénomène de l’autorité dans l’éducation ? La question des limites pose également celle de l’éthique de l’éducation. Cette dimension, qui constitue l’une des thématiques majeures de la réflexion éducative contemporaine trouvera une place dans cet axe de travail. Comment situer l’autorité éducative entre deux dérives que sont l’ « autoritaire » et le laxisme ? Quelles limites ne doit-on pas dépasser ? Les communications inscrites dans cet axe de travail pourraient s’interroger sur les situations de contrainte physique, mais aussi sur l’usage éducatif de l’humour, du mensonge, ou encore de la « manipulation éducative » (Reichenbach in Foray & Reichenbach, 2007). Quels sont les pièges des situations éducatives que l’on pourrait croire spontanément transparentes et qui sont en réalité tissées de malentendus, de rapports de force, de jeux de dupes et de rencontres qui n’ont pas lieu ? Ce sont ces pièges qui imposent aux enseignants une vigilance éthique et à qui la réflexion, philosophique ou pédagogique peut être utile.
 

(4) Autorité et pédagogie

La réflexion sur l’autorité appartient de longue date à l’approche « pédagogique » des phénomènes éducatifs. Pour les courants de pensée et les personnes qui se proposent de « réformer » ou de « rénover » l’éducation et l’école (dans la perspective d’une éducation plus démocratique – cf axe 2 ci-dessus), cette réflexion a souvent été une réflexion critique (cf par exemple, Houssaye, 1995) : les contributions proposées dans cet axe pourront rappeler cette dimension critique de l’autorité éducative. Mais s’il est vrai d’un autre côté que l’on ne se débarrasse pas si facilement de la question et de la pratique de l’autorité dans l’éducation des enfants, il devient alors très intéressant de regarder de plus près ce que devient l’autorité dans les mains et dans les esprits de ceux qui en ont eu d’abord une approche critique (Robbes, 2010) : quelle forme nouvelle prend-elle ? Et aussi : comment l’autorité éducative s’articule- t-elle aux situations d’enseignement et d’apprentissage ? L’autorité est-elle un préalable à l’apprentissage ? La pédagogie peut-elle être une solution aux problèmes d’autorité ?

Le comité scientifique du colloque considérera avec attention toutes les propositions de communication qui permettent de réfléchir sur la permanence et le renouvellement de la réflexion et de l’exercice de l’autorité dans les contextes éducatifs contemporains.

Comité scientifique : Marie Beretti (UJM) – Gwenaël Boudjadi (UJM) – Laurence Cornu (Univ. Tours) – Sylvain Connac (Univ. Montpellier) – Marc Derycke (UJM) – Philippe Foray (UJM) – Maryline Gachet (UJM) – Rachel Gasparini (ESPE – Lyon 1) – Anne-Claire Husser (ESPE – Lyon 1) – Alain Kerlan (Univ. Lyon 2) – Laurence Loeffel (IGEN) – Jan Masschelein (Univ. Louvain) – Frédéric Mole (Univ. Genève) – Roger Monjo (Univ Montpellier) – Vanina Mozziconnacci (Univ. Montpellier) – Eirick Prairat (ESPE – Univ. Nancy) –– Roland Reichenbach (Univ. Zürich) – Bruno Robbes (ESPE – Univ. Créteil) – Camille Roelens (UJM) – Jean-Yves Seguy (UJM) – Colette Smentek (Univ. Lyon 1) – J.L. Wolfs (Univ. libre Bruxelles).

Modalités de soumission : Les propositions de communication sont attendues pour le lundi 4 février 2019, dernier délai. Elles sont à envoyer à : Philippe Foray (philippe.foray@univ-st-etienne.fr). Elles devront comporter les éléments suivants : le nom et les coordonnées du ou des auteurs (institution, adresse mail), une bibliographie succincte, une présentation de la communication (2000 signes maximum) et 5 mots-clefs. Les propositions seront anonymées et examinées par deux membres du comité scientifique. Les avis seront communiqués aux auteur(e)s le 11 mars 2019. Un résumé substantiel de la communication (6000 signes) devra être envoyé pour le 3 juin 2019.

Langues : français, anglais